mardi 28 mars 2017 par RFI

Après une semaine de suspension, le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé a repris devant la Cour pénale internationale (CPI) le 27 mars. Appelé par le procureur, le général Georges Guiai Bi Poin, ancien commandant du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), a commencé à déposer. Le général Edouard Tiapé Kassaraté, ancien chef de la gendarmerie, l'avait précédé à la barre de la Cour.

Pour le procureur, le général Georges Guiai Bi Poin est l'un des témoins-clés de cette affaire, comme les officiers supérieurs en fonctions lors de la crise qui avait suivi l'élection présidentielle de novembre 2010.

Dès les premières minutes de son interrogatoire, la procureure Melissa Pack a évoqué le double rôle de l'officier, aujourd'hui retraité. Le général Guiai Bi Poin était chef de l'Ecole de gendarmerie et chef du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), une unité formée en 2005 pour lutter contre la grande délinquance et la criminalité et formée d'éléments de la gendarmerie, de la police et de l'armée.

Présentant un document au témoin, la procureure lui a demandé pourquoi de nouveaux élèves avaient été formés juste avant l'élection de novembre 2010. Si l'officier n'a pas commenté la date de la formation, il a néanmoins expliqué que le CECOS constituait une réserve d'intervention pour le commandement suprême .

Expertise impossible

Avant lui, le procureur avait appelé un autre de ses témoins-clés . Mais Edouard Tiapé Kassaraté, aujourd'hui ambassadeur de la Côte d'Ivoire au Sénégal avait expliqué être, depuis cinq ans, bien loin de ce dossier-là . Des nombreuses réunions à la résidence de Laurent Gbagbo et au palais présidentiel, le commandant en chef de la gendarmerie à l'époque de la crise post-électorale, se rappelle qu'elles portaient sur un seul point : faire tout pour sécuriser les élections à venir. Protéger les personnes et leurs biens .

Mais il ne se souvient pas des dates de ces réunions et affirme que plusieurs des documents présentés par le procureur sont des faux, sur lesquels il ne reconnaît pas sa signature. Le juge-président, Cuno Tarfusser, lui demande de signer sur une feuille vierge, mais reconnaît, las, ne pouvoir procéder à une expertise : le procureur ne possède pas les originaux. Nous faisons des photocopies, et les originaux restent entre les mains des personnes qui nous ont procuré ces documents , explique le substitut Alexis Demirdjian au juge italien qui, comme à d'autres occasions au cours du procès, peine à comprendre.

Le témoin sommé de dire la vérité

Edouard Kassaraté ne se souvient pas du décret du 14 novembre réquisitionnant les forces armées, qui, selon lui, n'était là que pour légaliser une situation en cours depuis des années. Et il n'a pas lu le Journal Officiel. Vous ignorez la loi en vigueur en Côte d'Ivoire. Pour le commandant de la gendarmerie, ça ne serait peut-être pas une bonne chose , bondit le président. Mais Edouard Kassaraté soutient mordicus. Je n'ai jamais reçu le Journal Officiel, mais, par contre, l'état-major des armées nous envoie des messages pour le redéploiement de nos forces, en même temps que les autres forces militaires .

Face à un témoin qui dit avoir appris via la télévision les principaux événements qui agitent alors la Côte d'Ivoire, le président rappelle incessamment de dire la vérité, rien que la vérité, rappelant qu'il est passible de poursuites et risquerait jusqu'à cinq ans de prison s'il faisait un faux témoignage.

Mais le témoin, venu déposer aux ordres de Guillaume Soro, l'actuel président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, ne donne rien. Il a oublié les dates, et jusqu'à son code radio. Planète doit suggérer le procureur, dont certaines questions s'éternisent sur les communications entre les Forces de défense et de sécurité ivoiriennes. Il y a eu des échanges au sein des différentes forces des FDS, ça me paraît absolument normal et évident , tacle Cuno Tarfusser, incitant, sans le dire, le procureur à aller aux faits.

Le commandement parallèle de Laurent Gbagbo

Mais au cours des cinq jours d'audition, il ne sera question qu'une seule fois de la structure parallèle de commandement qu'aurait mis sur pied l'ancien chef d'Etat, pourtant au c?ur de la thèse de l'accusation. Selon les charges retenues contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, l'ex-chef d'Etat contrôlait les Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS) et avait aussi mis en place des lignes parallèles de contrôle et de commandement, qui dépendaient des relations personnelles que Laurent Gbagbo et son entourage immédiat entretenaient avec certains membres des FDS . ... suite de l'article sur RFI