vendredi 8 decembre 2017 par LeMonde.fr

Dans sa chronique Emergences , la journaliste Marie de Vergès décrypte la polémique qui, entre raison et affect, s'est enflammée au sujet de cette monnaie.

Chronique. Un tabou ? Certainement pas ! Plutôt un non-sujet pour la France . Ainsi Emmanuel Macron répondait-il, le 28 novembre, à un étudiant burkinabé l'interpellant sur le franc CFA lors de sa première tournée africaine. Quoi qu'en dise le président, Paris ne goûte guère la polémique qui s'est enflammée ces derniers mois autour de cette monnaie. Partagée par quinze Etats africains et garantie par le Trésor français, celle-ci est vilipendée par ses contempteurs comme un symbole de la servitude , un ultime avatar de la Françafrique, plus de cinquante ans après les indépendances. N'ayez pas, sur ce sujet, une approche bêtement postcoloniale ou anti-impérialiste, a réclamé ­M. Macron. Ça n'a aucun sens.

Peut-être. Mais le propre de cette controverse acide est justement que tout s'y mélange. Raison et affect. Calculs économiques et démonstrations politiques. Vraies interrogations et fausses évidences. Beaucoup de fantasmes, surtout, qui polluent le débat sur les relations monétaires entre la France et ses anciennes colonies.

Résumons-les. La vocation du franc CFA serait, selon ses détracteurs, d'organiser la domination économique de la France et de ses multinationales sur la zone. Le système confisquerait la souveraineté monétaire des Etats africains, avec une politique dictée par Paris et des billets imprimés, non pas en Afrique, mais dans l'Hexagone.
Pis, les pays de la zone seraient spoliés de précieuses ressources à cause des ­réserves de change qu'ils doivent déposer sur un compte d'opérations logé au Trésor français : de 10 à 12 milliards d'euros qui pourraient être ­investis dans le financement du développement au lieu d'enrichir scandaleusement la France.

Supposé droit de veto
La plupart de ces attaques ne résistent pas à l'analyse factuelle. L'ancrage du CFA à l'euro ne profite pas aux seuls groupes tricolores mais à l'ensemble des entreprises européennes. D'ailleurs, la monnaie n'a pas empêché le déclin relatif de la France dans les échanges : celle-ci a perdu, dès 2008, sa place de premier fournisseur de la zone franc, au profit de la Chine. On peut d'ailleurs le regretter, l'Afrique ne jouant plus qu'un rôle mineur dans les stratégies de la plupart des multinationales françaises. ... suite de l'article sur LeMonde.fr