mardi 7 fevrier 2017 par RFI

Ancien diplomate et homme politique ivoirien, Amara Essy a été secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine et premier président de la Commission de l'Union africaine entre 2002 et 2003. A 73 ans, l'homme fait partie des aînés dont on sollicite à chaque crise les conseils et l'arbitrage pour aider les pays concernés à sortir des situations de conflit. Il continue de suivre de près l'évolution de l'organisation panafricaine dont il a marqué en tant que premier chef de la Commission le devenir par sa gestion non-partisane et éclairée des affaires du continent. Entretien.

RFI: Ce nouveau sommet de l'Union africaine est un rendez-vous important avec plusieurs sujets politiques et sociaux majeurs à l'ordre du jour, dont la désignation par les chefs de l'Etat présents d'un nouveau président de la Commission. Quels sont pour vous les véritables enjeux de ce 28e sommet de l'Union africaine ?

Amara Essy: Si à Addis-Abeba, tous se préoccupent - à juste titre d'ailleurs - de l'identité du futur président de la Commission ou du retour ou non du Maroc au sein de l'UA, les autres thèmes débattus en marge de la rencontre préparatrice du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, n'en sont pas moins essentiels pour l'avenir de notre continent. Ces thématiques sont : le dividende démographique, la création d'un marché unique, l'élimination des inégalités liées au genre. Prenons par exemple la question du dividende démographique. En réalité, pour l'Afrique il n'y aura pas de dividende démographique parce que nos jeunes vont arriver à l'âge d'adulte actif sans la moindre formation, miséreux, ne rêvant que de quitter leur pays en mettant en danger leur vie. Avec une population qui est en train de croître plus vite que les infrastructures, c'est à une explosion démographique que nous assistons. Ce qui me fait particulièrement peur, c'est de voir les fanatismes religieux prospérer, se nourrissant du désarroi des jeunes gens affamés, frustrés et incultes. A ces hommes et femmes désoeuvrés parce qu'il n'y a pas assez de travail pour tous, le premier quidam peut venir vendre facilement le paradis et l'enfer. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'il existe un lien structurel entre le terrorisme et la démographie galopante dans nos pays.

Ces problématiques étaient déjà d'actualité au moment où vous étiez aux affaires. Pourquoi elles n'ont pas été gérées en amont ? N'est-ce pas cela le grand échec de l'élite africaine ?

Ce serait trop simpliste de dire que c'est l'échec de l'élite africaine. Le chômage est devenu un problème planétaire en raison de la montée du libéralisme sauvage qui fait peu de cas des hommes et de leurs souffrances. C'est la même rengaine un peu partout. En France, on parle d'inverser la courbe du chômage, alors qu'aux Etats-Unis, un nouveau président a pris les rênes du pays, après s'être fait élire sur la promesse de sauver des emplois en Amérique à tout prix. En Afrique, nous sommes sans doute plus démunis, avec les prix des matières premières imposés par les pays développés. En réalité, les Africains n'ont pas tous les paramètres de développement entre leurs mains. D'où l'importance de bien choisir le président de la Commission qui doit être, entre autres, notre négociateur en chef avec nos partenaires.

C'est précisément ce que les chefs d'Etat vont devoir faire dès le 30 janvier, l'actuelle présidente de la Commission ayant décidé de ne pas briguer un second mandat. Lequel des cinq candidats qui ont postulé pour ce poste prestigieux vous paraît le ou la plus crédible ?

Ce sont tous des candidats de très haut niveau. Aucun pays ne peut s'aventurer à présenter un candidat qui ne soit pas à la hauteur du poste mis en jeu. La présidence de la Commission constitue l'élément central dans l'organigramme de cette ... suite de l'article sur RFI