mardi 26 septembre 2017 par Jeune Afrique

C'est un officier général très attendu qui témoigne depuis lundi à la barre de la Cour pénale internationale (CPI) dans le procès de l'ex-chef de l'État ivoirien Laurent Gbagbo et de son bras droit, Charles Blé Goudé. Voici ce qu'il a dit le premier jour de son audition.

Le général Philippe Mangou, 65 ans, a été un acteur majeur de la crise postélectorale en Côte d'Ivoire. Chef d'état-major des armées nommé en novembre 2004 par Laurent Gbagbo, il a occupé ce poste jusqu'en mars 2011, quelques semaines avant l'arrestation de l'ex-chef de l'État, le 11 avril 2011, par les ex-Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI, loyales à Alassane Ouattara), appuyées par la force française Licorne.

Mangou, le témoin-clé qui va couler Gbagbo , titrait avant la première audience le journal Le Patriote, publication proche du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel). De son côté, Le Temps, proche du Front populaire ivoirien (FPI), ressortant une ancienne déclaration de l'officier, préférait rappeler que celui-ci ne peut pas poignarder le président Laurent Gbagbo dans le dos .

Laurent Gbagbo est poursuivi pour quatre chefs de crimes contre l'humanité (meurtre, viol, tentative de meurtre et persécution) perpétrés à Abidjan, conjointement avec les membres de son entourage immédiat et par l'intermédiaire des forces qui lui sont restées fidèles. Quant à Blé Goudé, qui était son ministre de la Jeunesse au moment des faits, il aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle pour ces crimes, alternativement en tant que coauteur indirect , avec son Alliance des jeunes patriotes, présentée par certains comme une milice à la solde du pouvoir Gbagbo.

Face à Bensouda

Le témoignage de Mangou, à partir du lundi 25 septembre, vient après ceux d'autres généraux clés du dispositif sécuritaire mis en place par Laurent Gbagbo. Les généraux Brédou M'Bia, ex-directeur général de la Police, Georges Guiai Bi Poin, commandant de l'ex-Centre de coordination des opérations de sécurité (Cecos, unité mixte d'élite) et Édouard Kassaraté, ex-commandant supérieur de la gendarmerie, ont davantage usé de la langue de bois, évoquant même par moments, pour le dernier cité, des trous de mémoire.

Nommé ambassadeur de la Côte d'Ivoire au Gabon, en mai 2012 par le président Alassane Ouattara, Mangou se retrouve ainsi face à la procureur Fatou Bensouda et à son équipe qui n'ont qu'un but : obtenir de sa part des témoignages sur les responsabilités pénales individuelles de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, notamment dans la répression meurtrière d'une marche des partisans d'Alassane Ouattara sur la Radiotélévision ivoirienne (RTI, télévision publique) ou d'une manifestation de femmes visées par un bombardement au mortier, dans un secteur densément peuplé d'Abobo, commune populaire d'Abidjan.

Je jouais un rôle de coordinateur
Dès l'entame de l'audience, visiblement à l'aise, le général Mangou a laissé entendre aux juges que de nombreuses informations sensibles ne lui étaient pas remontées, quand bien même il était le chef d'état-major des armées. Il a surtout fait remarquer que certains officiers supérieurs de l'armée, en l'occurrence le général Bruno Dogbo Blé qui l'a remplacé à la tête de l'état-major des armées (et qui a été condamné en avril dernier par un tribunal d'Abidjan à 18 ans de prison dans l'affaire du rapt du Novotel) prenaient directement leurs ordres auprès de l'ex-couple présidentiel.

Voici en détail ce qu'il a dit de ses rapports avec Laurent Gbagbo, de ses relations avec ses anciens collaborateurs au sein de l'état-major des armées, de l'armement des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, restées fidèles à Laurent Gbagbo lors de la crise de 2011)

Son rôle lors de la crise postélectorale

Lors de la crise postélectorale, on avait deux grandes entités. Les unités qui étaient sur le théâtre des opérations dont le commandant de théâtre était le capitaine de vaisseau major Konan Boniface. Les unités qui avaient été formées et déployées dans tout Abidjan y compris Abobo pour la sécurisation de la ville d'Abidjan, et pour l'intervention au niveau d'Abobo qui, elles, étaient placées sous l'entière responsabilité du général de brigade Détho Letho Firmin. Ces deux officiers étaient sur le terrain avec leurs hommes. Chacun faisait sa planification, sa conduite des opérations. Le chef d'état-major que j'étais, était à l'état-major dans un Centre opérationnel qui lui est propre, le CPCO qui est le Centre de planification et de coordination des opérations et non de conduite comme cela a été dit ici.

Moi, j'étais à l'état-major, ma guerre à moi, je la faisais sur la carte en fonction des renseignements de terrain que me donnait Konan Boniface qui est sur le théâtre des opérations et le général Détho Letho en ce qui concerne la gestion des unités au niveau d'Abidjan. Donc, je jouais un rôle de coordinateur, je coordonnais leurs actions. ... suite de l'article sur Jeune Afrique