lundi 16 octobre 2017 par L'intelligent d'Abidjan

Adou Assemien est le président du Conseil d'administration de l'association des consommateurs de télécommunication de Côte d'Ivoire (ACOTEL-CI). Il dit être solidaire de la récente décision de l'autorité de régulation des télécommunications de Côte d'Ivoire ((l'ARTCI) qui a infligé une amende aux entreprises de téléphonie. Il annonce des poursuites judiciaires à l'encontre des entreprises concernées pour réparation de préjudices.
Récemment l'ARTCI a pris une décision infligeant une amende aux principales entreprises de téléphonie pour non-respect de leurs cahiers de charges notamment pour mauvaise qualité des offres de service. Quel commentaire faites-vous de cette décision ?
Dans un premier temps, il faut féliciter l'ARTCI pour cette décision. On nous a souvent reproché de dénoncer, mais moi j'ai un principe. Lorsque vous faites un bon travail, on vous félicite, mais lorsque c'est mauvais, nous vous critiquons. Et pour une fois dans l'histoire de la Côte d'Ivoire, on se rend compte que l'ARTCI essaie de bouger en faisant pencher la balance. Depuis toujours, elle est vue comme défenseur des opérateurs du secteur de la téléphonie. On l'accuse de faire le lit de ces opérateurs puisqu'il y'avait beaucoup d'abus de leur part. Aujourd'hui, l'autorité de régulation s'est réveillée, ce qui est dû en partie aux critiques que nous formulons à son endroit par moments. Donc, nous la félicitons pour cette décision courageuse. Les associations des consommateurs se réjouissent de cette décision. Nous avons saisi notre conseil juridique qui a déjà pris contact avec les autorités de régulation, le gouvernement et même les opérateurs afin que pour une fois dans l'histoire de la Côte d'Ivoire, les consommateurs comme un seul homme, demandent des dédommagements pour les abus de ces grands groupes vis-à-vis des consommateurs. L'autorité de régulation a fait sa part, mais nous n'allons pas rester les bras croisés. Nous avons constitué un conseil juridique qui va poursuivre cette affaire jusqu'au bout pour que les consommateurs soient dédommagés pour une fois au moins dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Nous donnons de l'argent à ces grands groupes, mais ils nous traitent avec mépris pour les services qu'ils nous offrent.

Est-ce à dire que vous allez-vous associer à l'ARTCI dans cette mission de faire respecter scrupuleusement les cahiers de charges par les opérateurs ?
Cela fait partie des missions premières de l'autorité de régulation puisqu'elle est avant tout l'autorité de régulation et quand on régule, cela veut dire qu'on est arbitre, c'est le tribunal. À l'époque, nous avons insisté lors de l'élaboration de l'avant-projet de loi portant code des télécommunications qui est devenu aujourd'hui une ordonnance, pour que cette structure qui était une agence soit un tribunal. Notre organisation était de celles qui ont milité farouchement pour donner un statut d'autorité de régulation en lieu et place d'une agence de régulation. Aujourd'hui, c'est une bataille gagnée puisque ses décisions sont exécutoires.

Qu'est-ce qui justifie votre silence prolongé après que vous avez annoncé lors d'une conférence de presse des actions concrètes ?
Nous suivons l'actualité de très près. Il y'a quelque temps, nous avons annoncé des actions. Nous invitons les consommateurs à être vigilants parce que les jours à venir seront très mouvementés. Il est vrai, et j'en conviens que certains rétorquent aux associations de consommateurs de ne pas être trop actifs. Mais, il faut souligner que certaines structures étatiques y compris l'autorité de régulation ont confisqué les moyens que la loi donne aux organisations de consommateurs de travailler. Donc, l'ARTCI gagnerait à jouer pleinement son rôle de régulateur et dégager les moyens que la loi prévoit aux associations de consommateurs pour travailler.

Vous annoncez des actions d'envergure. En quoi, celles-ci vont-t-elles consister?
Lorsque nous parlons d'action d'envergure, il s'agira essentiellement des actions judiciaires. Nous avons désormais un conseil juridique. Car le conseil d'administration a estimé que c'est l'un des moyens qui nous permettront d'être plus efficaces dans notre combat. Le cabinet est en train de préparer nos actions pour demander aux opérateurs de dédommager les consommateurs. Désormais, les consommateurs doivent comprendre que toutes les fois qu'ils seront victimes d'un abus, ils ne doivent pas hésiter à prendre attache avec l'association. Nous analyserons le dossier, et ensuite, nous allons instruire notre conseil juridique pour mener les actions juridiques. C'est pour vous dire que nous n'allons plus nous contenter de dénoncer, mais nous allons engager des actions juridiques pour permettre au secteur d'être bien régulé. Pour être plus clair, c'est cette approche du combat qui justifie notre silence ces derniers temps. Il est grand temps en Côte d'Ivoire de construire une société civile forte dans l'intérêt des consommateurs. Aucun secteur des télécommunications ne va nous échapper. Présentement nous travaillons pour une réorganisation du mobile money. Il faut revoir le système de régulation actuelle.

Vous aviez parlé de régulation de monnaie électronique. Quel rapport cette question a-t-elle avec votre association ?
On parle de plus en plus de monnaie électronique. C'est une activité qui est née de l'évolution de la technologie. Par conséquent, elle fait partie des champs de compétence de notre association. Nous avons été conviés l'année dernière par l'ARTCI, à participer à un séminaire sur la problématique de la régulation de ce secteur. À ce séminaire, nous avions fait des observations. Les observations étaient qu'aujourd'hui, avec l'évolution de la technologie, la monétique électronique n'a pas été conçue pour pouvoir mieux protéger le consommateur. Du coup, les acteurs que sont la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest, (BCEAO), l'ARTCI et les opérateurs de la téléphonie parlent de la co-régulation. Mais pour nous, la co-régulation n'est pas efficace tout simplement parce que la BCEAO n'arrive pas dans toutes les contrées de la Côte d'Ivoire. C'est pour cette raison, que nous prônons la mise en place d'une structure de régulation qui soit adaptée à nos réalités. Dans ce sens, notre conseil a saisi la Banque centrale afin de créer un cadre de discussions pour trouver des mécanismes pour pouvoir mieux protéger les consommateurs. D'autant plus que la régulation actuelle échappe non seulement à l'ARTCI, mais aussi à la BCEAO. Et les entreprises de téléphonie profitent énormément du vide juridique pour faire d'énormes profits au détriment du consommateur. C'est un secteur qui est très important. À preuve, il a même été changé la dénomination du ministère en charge des Tics. On parle désormais du ministère de l'Economie numérique. Nous interpellons donc le gouvernement sur la nécessité de créer un organe de régulation spécifique lié à cette activité.

Ernest F