jeudi 2 novembre 2017 par AIP

Par Traoré Mamadou

Abidjan, 02 nov (AIP)- Electrification tous azimuts, renforcement et construction d'infrastructures, énergies renouvelables : depuis 2011, la Côte d'Ivoire est engagée dans une "révolution énergétique", dont le barrage hydroélectrique de Soubré, giga-projet de plus de 300 milliards de francs CFA à inaugurer jeudi 2 novembre 2017, constitue le fleuron.

Notre ambition est d'améliorer le quotidien de chaque Ivoirien, et de faire en sorte que la Côte d'Ivoire nouvelle à laquelle nous aspirons tous, dispose de suffisamment d'énergie pour illuminer nos foyers, nos villes et villages, pour faire fonctionner nos industries, nos hôpitaux, nos écoles, nos universités , situait le président ivoirien Alassane Ouattara, lors du lancement des travaux de construction du barrage hydroélectrique de Soubré, le 25 février 2013.

331 milliards

Quatre ans plus tard, M. Ouattara retourne au bord du fleuve Nawa dans le Sud-Ouest ivoirien, pour la mise en service du plus gros investissement en infrastructure du pays, depuis son accession au pouvoir en avril 2011.

D'un coût global de 331 milliards de F CFA (239 milliards F CFA d'Eximbank de Chine et 92 milliards de F CFA apportés par l'Etat de Côte d'Ivoire), le barrage de Soubré mesure 4,5 km de long, avec un total de 275 mégawatts (MW) produits par quatre groupes dont trois de 90 MW et un petit groupe de 5 MW.

Fruit de la coopération sino-ivoirienne, ce projet structurant a été réalisé par le groupe chinois Sinohydro et a une capacité de production annuelle de 11 000 GWh.

Au delà du renforcement de la production nationale d'électricité, il permet également l'aménagement d'une zone florissante de pêche et le renforcement des potentialités agricoles dans sa région d'implantation.

Sa livraison sonne l'apogée d'une politique d'investissements accrus, destinée à permettre à la Côte d'Ivoire d'effectuer un bond qualitatif et quantitatif en matière de couverture nationale d'électricité. Ce, en vue d'être à même de soutenir le flux massif d'investissements dans le secteur privé et de nombreux chantiers ouverts à travers le pays depuis quelques années.

Mais aussi, le pays qui connaît depuis 2012 une forte croissance économique (8% en moyenne par an), avec une évolution significative des secteurs industriels et des services, entend être, du point de vue énergétique, à la hauteur de la demande.

Investissements

Ainsi, à l'instar de ce barrage, plusieurs initiatives publiques et privées ont été réalisées ces six dernières années dans le secteur de l'énergie, dans le cadre du Programme national de développement (PND). Un plan, dont la première priorité, dès 2011, a été de prendre des mesures visant à rétablir l'équilibre financier du secteur, en vue de lui permettre d'être capable de mobiliser des ressources auprès des partenaires techniques et financiers.

On peut citer, entre autres travaux, l'augmentation de 70 à 200 MW, la puissance installée de la centrale de location d'AGGREKO, le renforcement du cycle combiné de 140MW de la centrale thermique d'Azito, mise en service mi-2015.

L'on note également la construction du cycle combiné de 222 MW de la centrale thermique de CIPREL, composée d'une turbine à gaz de 11 MW et d'une turbine à vapeur de 111 MW.

Parallèlement, des travaux colossaux de renforcement des infrastructures existantes, notamment le dispositif de transport de l'électricité, ont été effectués à travers le pays.

Entre 2011 et 2015, l'Etat ivoirien a investi environ 3500 milliards de francs CFA dans les infrastructures de production d'électricité.

Résultats de ces investissements, le temps moyen de coupure d'électricité a drastiquement baissé dans les villes les plus peuplées, passant de plus de cinq heures par mois en 2010 à moins de trois heures par mois en 2017. Quant au délestage, l'on en parle de moins en moins.

Le taux de couverture en électricité est passé de 33% en 2010 à 55,80 % en 2015, avant d'atteindre 80% en 2017, selon le gouvernement.

L'on relève une augmentation relative du taux d'accès à l'électricité des ménages, aussi bien en zones rurale qu'urbaine, notamment à travers divers projets de facilitation de l'abonnement dont le Programme électricité pour tous (PEPT) et le Programme présidentiel d'électrification rurale, prévoyant le raccordement de 200 villages par an au réseau électrique national qui a déjà permis d'électrifier plus de 800 villages à travers le pays.

Nous sommes heureux. C'est une nouvelle ère qui commence pour nous , s'exclamait de joie, Yapi Antoine, un habitant d'Attiékro, village de plus de 500 âmes situé à quatre kilomètres d'Adiaké (Sud-Est), dont la localité venait de célébrer sa fête de la lumière (*) , le 20 août 2016, après des décennies d'attente.

Insuffisants

Toutefois, ces efforts qui permettent d'améliorer les conditions de vie des populations, de désenclaver économiquement des zones rurales, afin de permettre à leurs populations de lutter contre la pauvreté, restent, à bien d'égards, insuffisants pour combler des besoins de plus en plus grands.

En effet, plusieurs localités attendent d'être électrifiées, quand d'autres, bénéficiant déjà de cette source énergétique, dépendent encore de groupes électrogènes très souvent défaillants.

C'est le cas de la ville de Taï dans l'extrême Ouest du pays, un chef-lieu de département victime de coupures intempestives du courant électrique, en raison de pannes récurrentes au niveau du groupe électrogène qui l'alimente.

Une situation qui, mêlée au non bitumage de son unique voie routière d'accès (Guiglo-Taï), constamment impraticable à cause de la forte pluviométrie dans la région, en rajoute au quasi-enclavement de cette localité.

A cela, s'ajoutent le coût de l'électricité jugé élevé par plusieurs consommateurs, la mauvaise répartition de la distribution dans certaines zones du pays.

Selon la Banque mondiale, malgré un taux de couverture appréciable des localités du pays, seulement 29% des ménages ont accès à l'électricité. En cause, les frais initiaux de l'abonnement fixés à environ 150.000 FCFA qui s'avèrent beaucoup élevés pour les citoyens moyens, surtout ceux des zones rurales. Cette situation, faut-il le rappeler, est due à la suppression des subventions publiques sur le raccordement au courant de secteur.

La persistance de la fraude sur le réseau électrique national, notamment dans les quartiers pauvres et populaires, agit considérablement sur la durée de vie des infrastructures, occasionnant d'énormes pertes. En 2015, le gouvernement et la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE) estimaient ces pertes entre 40 et 50 milliards de francs CFA; ce qui aggrave la distorsion financière dans le secteur et contribue à la hausse du coût.

Mix énergétique en perspective

Face à toutes ces préoccupations, l'Etat, en plus de la prise de mesures de contrôle et de répression, intensifie avec ses partenaires institutionnels et privés la mise en ?uvre des projets de renforcement et d'élargissement du réseau, ainsi que des projets d'aide aux couches les plus défavorisées pour leur fourniture en électricité.

Le programme d'électrification villageoise poursuit son cours dans diverses régions. Un projet de construction d'une ligne de haute tension électrique devant relier, d'une part, les départements de Vavoua à Zuénoula (Centre-Ouest) et d'autre part celui de Zuénoula à Mankono et Séguéla (Nord-Ouest), destiné à électrifier 500 villages, a été lancé fin août.

Si l'intention des autorités d'électrifier tous les villages de plus de 500 habitants avant la fin 2017, a été contrariée par la chute des cours du cacao (dont la Côte d'Ivoire est le 1er producteur mondial) et les remous sociaux marqués par des grèves dans l'administration et mutineries militaires au cours de l'année, elles entendent toutefois atteindre cet objectif d'ici 2020.

Dans le cadre du Programme électricité pour tous, 200.000 ménages sont électrifiés chaque année depuis 2014, avec des frais de connexion de 1000 FCFA, jusqu'en 2020. Les bénéficiaires de ce projet ont droit à un kit comprenant le branchement, la vérification du réseau, les disjoncteurs, les coffrets et des ampoules économiques.

Le gouvernement annonce également la construction d'autres barrages, notamment à Boutoubré, Louga et Gribo-Propoli pour une capacité énergétique de plus de 500 MW, mais aussi la construction de centrales thermiques à Songon (Abidjan) et à Grand-Bassam, et le renforcement de la capacité de production de la centrale thermique de Buyo.

Les investissements prévus ainsi dans le secteur entre 2016 et 2020 se chiffrent à 6000 milliards de FCFA, avec une capacité de production passant de 2000 à ce jour à 3000 MW en 2018, pour atteindre à terme 4000 MW minimum.

Pour faire face à moindre coût à l'évolution sans cesse croissante de la consommation nationale et de la demande des pays voisins, la Côte d'Ivoire qui a privilégié depuis 1990 le développement de son parc de production thermique, s'ouvre de plus en plus à d'autres formes d'énergie. Ce qui fera d'elle une plateforme de mix énergétique de référence internationale.

Une place de choix est à cet effet accordée aux énergies renouvelables, avec la construction, en cours, par des entreprises privées, de centrales solaires à Daoukro (Daoukro-Energies, 350 MW, 500 milliards FCFA) et Korhogo (Nova Power, 25 MW, 23,6 milliards FCFA).

Une centrale à Biomasse, baptisée "Biokala" et considérée comme la plus grande du genre en Afrique, est aussi en construction à Aboisso (Sud-Est). Initiée par la compagnie agro-industrielle SIFCA, cette infrastructure devrait être dotée d'une capacité de 46 MW, pour un coût estimé à 100 millions d'euros (environ 66 milliards FCFA).

Le groupe chinois Power China, maison mère de Sinohydro, le maître d'ouvrage du barrage de Soubré, ambitionne pour sa part de construire une centrale à Biomasse dans le pays.

La construction d'une centrale thermique de production d'électricité à charbon de deux fois 350 MW est aussi prévue à San Pedro, par la compagnie S.Energie.

A l'horizon 2030, le pays compte disposer d'un mix énergétique composé de 34% d'énergie renouvelable, 57% de thermique et 9% de charbon. Ces investissements visant à hisser Abidjan au rang de hub énergétique de l'Afrique subsaharienne, sont estimés à 10.000 milliards de francs CFA.

Car au bout de cette révolution, se veut une énergie abondante, de bonne qualité, et surtout à moindre coût pour les populations et entreprises : pour que l'accès à l'électricité ne soit plus un luxe en Côte d'Ivoire.

(*) Les "fêtes de la lumière" : cérémonies organisées pour célébrer la connexion d'une localité au réseau électrique national en Côte d'Ivoire
(AIP)

tm/cmas