mardi 3 avril 2018 par LInfodrome

Des intermédiaires ou agents de joueurs s'enrichissent en se servant de moyens légaux ou illégaux dans lesquels le footballeur africain, principal acteur, est très souvent perdant. Magique Système décrit l'univers sombre du football africain à travers les témoignages de deux journalistes, Barthélémy Gaillard et Christophe Gleizes qui ont voyagé dans toute l'Afrique de l'ouest et en RD Congo pendant neuf mois.

La face obscure du football africain passée au crible. Deux journalistes Barthélémy Gaillard et Christophe Gleizes ont voyagé dans toute l'Afrique de l'Ouest et en RD Congo pendant neuf mois pour nous montrer un système où le footballeur africain, qui rêve de jouer en Europe ou ailleurs, est traité comme une marchandise. Des intermédiaires s'enrichissent en se servant de moyens légaux ou illégaux dans lesquels le principal intéressé se trouve perdant. A travers plusieurs témoignages et portraits, Magique Système, l'esclavage moderne des footballeurs africains nous décrit cet univers. Depuis plusieurs décennies, des interrogations existent sur le trafic d'âge concernant les footballeurs africains. Les deux journalistes Christophe Gleizes et Barthélémy Gaillard décident un jour de se rendre en Afrique pour vérifier de leurs propres yeux si ces rumeurs sont fondées. L'un des deux auteurs du livre Barthélémy Gaillard revient sur ce déclic qui les a poussés à réaliser cette enquête.

A l'époque, Christophe Gleizes travaillait à So Foot et il a vu des articles tournés de manière un peu marrante sur les trafics d'âge et les identités des footballeurs africains et c'est dit qu'il va aller voir sur place en Côte d'Ivoire notamment pour faire un entretien rigolo pour So Foot. Et sur place, il s'est rendu compte que ce n'était pas simplement une curiosité ou un truc folklorique mais au contraire, ça s'inscrivait dans une véritable attraction d'une chaîne. Pour le trafic d'âge, les mineurs passent majeurs pour échapper à la législation de la FIFA et les vieux rajeunissent leur âge pour avoir l'air plus banquables aux clubs européens. Enfin le trafic d'identité permet de faire disparaître les joueurs à la fédération africaine pour ne pas payer les indéterminés de formation nous confie-t-il en premier lieu.

Les confidences de Claude Le Roy

Les deux auteurs nomment cet univers Magique Système . Un clin d'?il au groupe ivoirien Magic System, mais pas que comme nous l'explique Barthélémy Gaillard. Le groupe Magic System fait partie des références culturelles en Afrique. Au-delà de ça, il faisait vraiment sens ce titre car il y a quelque chose de magique dans ce qu'on décrit, avec des gens qui perdent des années, qui gagnent une lettre à leur nom, et qui disparaît d'un fichier FIFA en RD Congo pour réapparaître en Chine. Il y a un côté magique, qui puisait systémique. Ce qu'on dénonce ce ne sont pas quelques arnaques isolées mais bien d'un système organisé, hiérarchisé, pyramidal, d'extraction d'une valeur première qui est le joueur africain vers des championnats plus huppés.

Dans leur traversée, les auteurs découvrent donc d'autres pratiques en plus du trafic d'âge qui gangrène le football africain et font intervenir dans leur ouvrage en préface le sélectionneur du Togo Claude Le Roy. Ce dernier annonce la couleur en racontant deux faits. D'abord sa découverte d'une pratique acceptée par les footballeurs africains, le trafic d'âge à la fin des années 80 avec les Lions Indomptables. Ensuite, le départ d'un de ses gardiens à la mi-temps d'un match amical convaincu par des agents, alors que Le Roy est à la tête des Léopards, dans le cadre des préparations pour les qualifications au Mondial 2006 en Allemagne. Après cette forte mise en bouche, les deux journalistes partent à la rencontre des acteurs en nous décrivant le trafic d'âge qui engendre d'autres dérapages.

Le trafic d'âge, une pratique ancrée en Afrique

Par exemple, afin de rivaliser avec les sélections européennes dans les catégories de jeunes, certaines sélections africaines baissent les âges de joueurs majeurs pour leur tenir tête. La FIFA riposte lors de la dernière Coupe du Monde des moins de 17 ans en mettant en place des IRM aux poignets pour repérer les fraudeurs. Le Nigeria est pointé du doigt et ne se qualifie pas pour cette édition. Pour sa première participation, le Niger effectue lui un parcours jusqu'en 8e de finale mais présente des irrégularités avec plusieurs joueurs nés le même jour. Un autre cas, celui du footballeur Joseph-Marie Minala défraye la chronique. Lors de ses débuts en Serie A avec la Lazio Rome au mois de mars 2014, il est moqué en raison de ses traits de visage d'homme bien plus mûr que son âge. Les deux journalistes le questionnent lors d'un entretien. Le principal intéressé nie en bloc toute fraude éventuelle.

On poursuit l'envers du décor par la multiplication des structures opaques avec la création d'académies non affiliées aux fédérations africaines. Des intermédiaires réalisent des promesses aux familles de footballeur pour rejoindre l'Europe plus rapidement dans leur institut que dans une autre affiliée à une fédération africaine. A l'arrivée, ceux qui échouent au test sont abandonnés et livrés à eux-mêmes dans le pays où ils débarquent en situation irrégulière. L'intermédiaire en question ramasse l'argent donné par la famille puis conserve les papiers du joueur pour continuer son business en toute impunité. Ces agissements plombent les superbes initiatives de Génération Foot associé au FC Metz ou de l'ancienne académie ASEC MIMOS de Jean-Marc Guillou (photo à voir ci-dessous avec la présence de Barry Copa, Kolo Touré). Ces fameux agents ne s'arrêtent pas là et détiennent plusieurs cordes à leur arc. Ils profitent du manque d'éducation des jeunes joueurs pour contrôler leur carrière ou leur soutirer de l'argent. ... suite de l'article sur LInfodrome