vendredi 13 avril 2018 par Abidjan.net

Très actif dans le débat sur la succession d'Alexis Vagba à la tête de l'Africa Sports d'Abidjan, l'ancienne gloire vert et rouge fait feu de tout bois depuis quelque temps. Nous l'avons rencontré.
Depuis quelque temps, vous êtes très actif sur le front de l'Africa Sports, en perspective de la succession du Président Alexis Vagba. Qu'est-ce qui fait courir Emmanuel Moh ?
Emmanuel Moh : Vous faites bien de préciser que c'est en perspective de la fin de mandat de M. Alexis Vagba. Parce qu'Alexis Vagba a été bel et bien élu pour quatre saisons sportives. Parce que qu'en parle de mandat en matière sportive, on ne parle pas d'années budgétaires, mais bien de saisons sportives. Alexis Vagba ayant été élu pour quatre années sportives en 2014, son mandat arrive à expiration à la fin de la quatrième année sportive, c'est à dire en mai ou juin prochain. Maintenant, qu'est-ce qui fait courir Emmanuel Moh ? Mais rien du tout. C'est juste pour l'amour du club. Je signale que je suis venu à l'Africa Sports d'Abidjan à l'âge de 12 ans, alors que mon père était président actif de la Jeunesse Club d'Abidjan (JCA), qui était alors en Première Division. C'est donc un sacrifice que j'ai fait en choisissant l'Africa. Pendant tout le temps que j'ai joué en minime, cadet puis junior, j'ai pu mener de front les études et le football. Vous savez, quand vous êtes élèves ou étudiant et qu'il y a entraînement à 17 h, après, il est très difficile de se consacrer aux études après, parce que vous êtes fatigué. Mais nous sommes parvenus à braver tout cela. Ceci pour vous dire que je rêve personnellement d'un grand Africa aujourd'hui. Si je n'ai pas opté pour une carrière d'entraîneur après ma carrière, c'est pour deux raisons simples. C'est d'abord parce que nous avons été battus à Man en Coupe Nationale par l'Asec Mimosas, au bénéfice du nombre de corners. Or, cette règle n'avait pas été portée à la connaissance des joueurs que nous étions. Ensuite, parce que nous avons perdu par pénalité en Coupe d'Afrique alors que nous venions d'éliminer le Tout-Puissant Engelbert, aujourd'hui Tout-Puissant Mazembé. J'ai donc décidé de me consacrer aux textes, au lieu d'être technicien. Je suis donc intransigeant et je serai toujours intransigeant en ce qui concerne les textes. Il faut appliquer les textes, rien que les textes. Voilà ma philosophie et voici pourquoi je suis en train de me battre aujourd'hui. Les textes de l'Africa sont très formels. Ils exigent de créer une société sportive avant le 31 août 2014. Nous sommes aujourd'hui en 2018. Ne pas l'avoir fait, c'est ne pas avoir respecté les statuts du club.
En tant qu'ancienne gloire de l'Africa et donc investie d'une certaine autorité morale, pourquoi Emmanuel Moh, au lieu de ruer dans les brancards, n'approche-t-il pas le staff dirigeant actuel, afin que s'il y a succession ou continuité, cela se fasse dans la paix ?
Je pense que quand on dirige une association, on fait l'effort de comprendre certaines choses. Cela fait 58 ans que je suis à l'Africa Sports. Je n'ai jamais été mêlé à des palabres, encore moins eu une attitude inconvenante. Ni à l'endroit d'un adversaire encore moins d'un partenaire. Je suis un gars fair-play. Je crois que vous devriez plutôt poser la question aux cadets. Pourquoi refusent-ils de s'abreuver à la source de la connaissance ? Je vous ai dit que j'ai que j'ai joué au football. Mais après cela, j'ai été secrétaire général de l'Africa Sports. Et puis, j'ai une maîtrise en droit. Donc si on ne veut pas écouter (Puis il s'énerve) Je le dis, il n'y aura pas de coup d'Etat à l'Africa, mais à la fin de son mandat, il faut qu'il parte. Parce que ça fait quatre ans que le club est dans les ténèbres
Et s'il décidait de rempiler ?
Ce serait une injure, alors là très grave pour tous les supporters de l'Africa. Pourquoi devrait-il rempiler ?
Parce que c'est bien son droit en tant que président sortant ?
Non ! Parce que quand tu veux rempiler, tu as forcément un projet sportif. Il faut que le club soit géré sainement. Or, aujourd'hui, le club n'a même pas de siège. Pas de compte en banque, pas de car pour transporter les joueurs, pas de terrain pour s'entraîner. Nous sommes déjà allés le voir en compagnie du président des anciens footballeurs du club. Mais lorsque nous avons été le voir, il n'a pas compris.
Que vous a-t-il dit lors de vos échanges ?
Le jour où nous avons été le voir, il venait de recevoir un document du tribunal que notre frère Koné Cheick Oumar venait de lui remettre et il était dans tous ses états. Il a fallu que je lui explique ce que c'est et l'attitude qui devrait être la sienne. Ceci dit, ce que nous demandons est tout simple. C'est que nous sommes une association et il faut que les textes régissant cette association soient appliqués. Je ne demande rien d'autre. Seulement, je fais remarquer qu'il y a des textes étatiques comme la loi sur les associations ainsi que la loi sur le sport. Une association n'a pas le droit d'écrire des statuts contraires aux dispositions énoncées par ses textes. C'est donc sur la base par exemple de ces textes que nous soutenons que le président d'une association sportive comme l'Africa Sport est élu non pas pour quatre ans, comme pour une année fiscale, mais plutôt pour quatre saisons sportives. Ce qui est totalement différent. Il faut donc que Alexis Vagba sache qu'il est en plein dans sa quatrième saison sportive et que son mandat prend fin à la fin de la saison en cours. Puisqu'il doit faire son Assemblée Générale Extraordinaire et Élective avant le début de la cinquième saison à compter de son élection.
Et s'il ne respectait pas cette échéance ?
Je vous l'ai dit, il ne sera pas question de coup d'État. Ce sera donc la bataille. Il y aura bataille parce qu'en ce moment le club se retrouvera dans la rue.
Vous parlez de bataille alors que nous sommes déjà dans une quadrature du cercle à l'Africa Sports, avec Vagba Alexis et son équipe d'un côté, Moh et les autres d'un autre, sans oublier le clan Koné Cheick Oumar. A quand la sortie du tunnel pour l'Africa Sports ?
Koné Cheick Oumar n'est pas fermé à la discussion. Il ne fait pas de la question de la présidence de l'Africa Sports un problème insurmontable. Koné Cheick Oumar est prêt pour la discussion, afin qu'ensemble nous trouvions un climat d'apaisement. Mais trouver un consensus sur la question suppose que cela se fasse dans un cadre légal. J'ai eu à échanger avec Koné Cheick Oumar et il est d'accord avec moi. Avant Vagba il y avait un président et après lui il y aura un président. Mais que tout se fasse en conformité avec les textes. Si Vagba veut donc demeurer président, qu'il permette au moins la transparence, qu'il permette aux gens de lui poser des questions en vue de savoir de quoi il en retourne. Parce que quand il affirme que les gens ne peuvent pas le faire sous le prétexte qu'ils ne détiennent pas de cartes de supporters, cela ne veut rien dire. Parce qu'il est entré à l'Africa Sports sans posséder de carte de supporter. J'étais alors secrétaire général du club et à une Assemblée Générale à l'Hôtel Ivoire, alors qu'ils avaient un comité sur le campus universitaire, un de ses amis est venu me voir pour me dire qu'ils souhaitaient intégrer le comité directeur. J'ai donc pris langue avec le président Simplice Zinsou qui n'a pas fait d'objection, puisqu'il avait totale confiance en moi. Il a donc joué d'intrigues pour entrer au comité directeur. Sinon, il n'a jamais posséder de carte de supporter encore moins cotisé (il s'énerve encore).
Les supporters de l'Africa Sports assistent amusés à votre activisme et certains n'hésitent pas estimer que Moh parle beaucoup mais est-ce que Moh a la solution les choses qu'il critique tant ?
(Large sourire) Oui, Moh parle beaucoup parce qu'il a d'abord été joueur mais il est aussi intellectuel. Si je ne parle pas, qui le ferait ? J'ai occupé pas mal de postes à l'Africa Sports. Pour votre gouverne, sachez que j'ai été directeur de l'hebdomadaire Allez les Aiglons et quand je l'étais, nous étions la meilleure vente nationale devant Fraternité Matin, Notre Voie, Patriote, Le National, pour ne citer que ces titres. Je veux dire que je connais le club et le club me connait. Aujourd'hui, le ministère des Sports a pondu une loi qui permet aux clubs de devenir professionnels. Donc Moh parle parce qu'il lit et donc il connait cette loi en question. Qu'ils fassent comme Moh.
Mais quelles sont concrètement les solutions dont dispose Moh ?
Mais avant les solutions, est-ce que le président de l'Africa Sports sait au moins qu'une loi existe et que les décrets d'applications ont été pris ? Or cette loi est exactement ce à quoi la Fifa et la Caf aspirent : que les clubs deviennent professionnels. Et pour cela, nous avons la solution. Et cette solution se trouve dans les statuts de l'Africa Sport et n'est rien d'autre que la création d'une société sportive. Ici en Côte d'Ivoire, on peut trouver au moins 200 personnes capables de débourser 5, 3 ou 2 millions de francs Cfa. Voilà la solution. Et non les cotisations des supporters. Et puis d'ailleurs, à en croire Alexis Vagba, l'Africa Sports n'a que 28 membres actifs. Combien donnent-ils chacun ? Et puis, dans ces 28, quand on retire les membres du comité exécutif, combien sont les supporters ? C'est un scandale. Nous avons la solution et c'est à eux de nous approcher, parce que eux, ils n'ont aucune solution. Je le répète, l'Africa me connait et je connais l'Africa. Nous sommes prêts à booster le développement de l'Africa Sports. Nous avons déjà réservé un terrain de dix hectares. Les investisseurs sont prêts, mais ils ne peuvent entrer dans un Africa Sports moribond. Où il n'y a pas de compte bancaire, pas d'états financiers, pas de procès-verbal d'Assemblée Générale. Bref, où il n'y a rien. Personne ne viendra mettre sa tête dans une fourmilière aussi dangereuse. Le jour où les membres vont se mettre d'accord et qu'ils créeront la société comme l'exigent les statuts, ils verront comment le club va se développer. Mais il ne s'agit pas de passer par mes amis pour leur demander de payer le droit d'engagement de l'Africa Sports pour la nouvelle saison ou leur demander des ballons. Il faut arrêter cette mendicité qui fait honte. J'ai des amis que j'ai amenés à l'Africa Sports et qui donnent de l'argent, qui financent les activités en catimini. Mais il faut que cela s'arrête. Sinon je rendrai tout public la prochaine fois. Cela ne peut plus continuer. Il faut arrêter de rêver et surtout de mal rêver. Aujourd'hui, le club ne peut plus vivre des cotisations de ses membres. Aujourd'hui, il est question de sponsoring et de merchandising sportif qui font entrer de l'argent. Ainsi, à la place des cartes de supporters, ce sont les produits dérivés qui font entrer l'argent au club. Vous n'avez pas idée de ce que la vente des maillots de Neymar a remporté au PSG.

Interview réalisée par Jean Lasme