mercredi 20 mars 2019 par L'intelligent d'Abidjan

Johnson Zamina Kouassi, porte-parole de la Coordination nationale des enseignants chercheurs et chercheurs de Côte d'Ivoire (CNEC), dans une interview après sa sortie de prison, fait la lumière sur la crise qui secoue l'université Félix Houphouët Boigny.
Professeur peut-on savoir les raisons de votre libération aussi rapide sans procès?
Aucun gouvernement ne tarderait à me faire sortir de prison parce qu'il faut savoir lire entre les lignes. Il y a eu plein de manifestations et pour garder l'harmonie, la paix sociale, il fallait me libérer pour qu'il y'ait un tant soit peu l'accalmie. C'est ce qui a milité en ma faveur.

Vous occupez vos bureaux à la CNEC alors que vous êtes révoqué selon un communiqué de la présidence de l'université Félix Houphouët Boigny?
Le conseil de l'université et le président sont allés trop loin. La justice a pour rôle de rendre juste; donc à telle cause, il devrait avoir tel effet. Si tant qu'il y a une vidéo qui circule, que dit la vidéo? Je ne vois pas pourquoi je devrais faire la prison et mes amis révoqués. De temps en temps, quand le président rentre dans les injures, moi aussi je rentre dans la poubelle, il ne doit plus jouer avec nous. Nous sommes là pour réagir du tic au tac et c'est ce que nous avons fait et si c'est cela qui m'a emmené à me mettre en prison, je suis prêt à retourner en prison. Mais les autres qui n'ont rien fait, je ne vois pas pourquoi ils devraient être renvoyés de l'université. En conclusion, tout ceci c'était pour décapiter la CNEC puisque c'est la CNEC qui est la seule organisation qui porte la contradiction aux autorités. Alors il faut essayer de l'effrayer, mais comme nous ne sommes pas des enfants, il est difficile de nous man?uvrer. C'est en cela que nous constituons un os très dur dans leur gorge. Ceci dit, je ne me reconnais pas dans cette vidéo, et je n'ai jamais vu cette vidéo.

Vous êtes accusé de violence
Si éventuellement je suis casseur, braqueur alors que hier je n'ai pas été, sous Ly Ramata Bakayoko, Téa Gogou, Aké M'Gbo, vous devriez vous demander qu'est ce qui lui arrive ? Malheureusement, on n'est pas allé dans ce sens.

Il se raconte que votre libération est un arrangement politique ?
On peut penser que c'est une option politique et je ne le cache pas; le syndicalisme, aussi se fait dans une société, dans une période donnée de l'évolution de cette société. Quand j'étais en prison, les autorités sont allées voir mes amis pour discuter. Mes amis leur ont dit : Il est appelé porte-parole de la CNEC et qu'en tant que tel, il est allé avec la parole en prison, par conséquent, nous ne discutons pas . L'autorité vient me voir en prison et je lui dis que je ne peux pas discuter pendant que je suis en prison. L'autorité me dit que l'école doit reprendre. Je dis à l'autorité que si l'école doit reprendre, il faut que je discute en dehors de la prison. La conséquence, c'est ce que vous voyez. C'était du donnant donnant.

Que deviennent vos revendications ?
Nos revendications restent en l'état. Elles n'ont pas bougé.

Il y a un cadre de discussion qui a été mis en place à la demande du Premier ministre ivoirien. Vous y croyez par rapport à une sortie de crise ?
Nous sommes une organisation syndicale dans un pays donné avec une constitution et un gouvernement précis. Nous voudrions avoir des interlocuteurs, et non des amis ou des ennemis. Nous n'avons jamais à la CNEC des ennemis et nous n'avons jamais d'amis non plus. Il y a chez nous des militants de tous les partis significatifs en Côte d'Ivoire et c'est cela qui fait notre force. Moi qui vous parle, je suis du PDCI-RDA. Je le mentionne parce que souvent, il y a des gens qui nous donnent des étiquettes. Ailleurs, ils sont monocolores du point de vue obédience politique. Nous, nous sommes multicolores donc, chez nous on ne parle pas politique.

Vous dites que vous êtes PDCI. Cela ne confirme-t-il pas la thèse selon laquelle vous aviez bloqué l'université dans l'intérêt de votre parti ?
Tout à l'heure, je vous ai dit que nous faisons des Assemblées générales auxquelles assistent les renseignements généraux de la police, de la gendarmerie depuis 2006 . Finalement nous sommes devenus plus qu'amis, et ils n'ont rien découvert politiquement. Mais en plus, nous sommes assez grands, assez intelligents. Il y'a qui chez eux qui peut nous apprendre ce que nous ne connaissons pas ici? Je m'excuse de parler ainsi, mais c'est une réalité. Au contraire c'est nous qui devons donner des leçons aux hommes politiques. Parce qu'ils ont tous échoué en Côte d'Ivoire depuis 1990. Personne n'est capable de me donner une leçon politique.

Même votre parti le PDCI ?
C'est ce que je dis, depuis 1990 ils ont tous échoué. Notre syndicat est apolitique, transparent et n'est ni à gauche ni à droite, mais reste toujours avec ce que nous appelons des interlocuteurs. Nous donner des étiquettes politiques, ça ne peut passer pas parce que les preuves sont là. Certes sur ce campus, des syndicats ont battu campagne pour un président, ont battu campagne pour des mouvements estudiantins. Cela fait plus de 6 ans que je n'ai pas mis les pieds au siège du PDCI. C'est vous dire que nous avons pris nos responsabilités. Les partis ne nous intéressent parce qu'ils ne font rien de bon. Les gens y vont pour chercher de l'argent, parce que c'est la-bas qu'il y a de l'argent facile. Mais ils n'y sont pas pour construire, pour développer le pays. Nous, nous battons pour nos conditions de vie et de travail, ça s'arrête là. Parce que la politique, c'est la sale chose en Côte d'Ivoire. Elle ne nous fait pas avancer. Elle nous fait plutôt reculer. Imaginez le nombre de morts, le nombre de familles tristes à cause de la politique aujourd'hui. Est-ce que la politique fait le bonheur des Ivoiriens ? Je dis non ! Depuis 1990 jusqu'à maintenant, Houphouët est hors classe. Mais ceux qui sont venus après Houphouët, ce n'est pas la peine. Les gens ont tout tenté. Quelle proposition ne m'a-t-on pas fait ? Mais je leur dis non. Pourtant ils viennent aussi avec de l'argent. Et j'ai toujours refusé, c'est pourquoi je suis fort. Les gens voient en moi un symbole.

Peut-on espérer une accalmie définitive à l'université ?
Cela dépend de la gouvernance. Ce n'est pas parce que ceux qui sont là sont nés avec des manières de nature à prospérer dans le camouflage, dans le désordre. C'est une question de gouvernance. Si on nous permettait d'élire nos gouvernants de nous-mêmes par nous et pour nous même, il y aurait eu moins de problèmes. Et celui qui serait élu serait redevable aux enseignants et écouterait moins les hommes du Plateau pour prendre des décisions. Mais, écouterait plutôt de façon consensuelle les enseignants, les doyens qui aussi à leur tour seraient élus et on aurait moins de problème.

Vous êtes soupçonnez de mener un combat personnel contre le président Abou Karamoko?
Abou Karamoko représente plus de 70% de l'enseignement supérieur, C'est-à-dire l'Université Félix Houphouët Boigny qui est la plus vieille des Universités, c'est là où il y a plus d'étudiants, il y a plus d'enseignants. Stratégiquement, lorsque les gens veulent prendre des mesures qui ne sont à la hauteur, c'est par lui qu'ils passent. Comme il s'est érigé en ennemis des enseignants, si les lois passent, ce serait facile à appliquer à Bouaké, Daloa. Sinon ce n'est pas sa personne. La preuve j'ai bénéficié de certaines faveurs de sa personne physique. Mais, quand je suis dans mon manteau de syndicaliste, il faut que je vienne lutter pour mes intérêts et les intérêts de la corporation afin que nous gagnions plus et toute personne qui est un obstacle, devient pour nous un ennemi. Comme c'est lui qui est courageux pour se mettre au-devant des luttes de nature à décroître les potentialités des enseignants alors, nous parlons de lui.

Que-ce que vous lui reprochez exactement ?
Nous demandons un débat à la télé. Parce qu'il y a des gens qui ne comprennent pas. Mais si je veux égrener , jusqu'à ce que vous compreniez, jusqu'où il (Ndlr Abou Karamoko),nous est nuisible. La preuve, jusqu'aujourd'hui en 2019 nous sommes l'un des rares pays à ne pas avoir de wifi dans toutes les universités de Côte d'Ivoire. Vous allez à Ouagadougou, il y en a. Où est ce que nous allons avec ça ? Ouagadougou est classée parmi les 200 meilleures universités. Même quand on parlait des 100 universités, Ouaga était déjà classée. Quand tu vois l'environnement, tu dis mais c'est une université ça ? Mais il faut y aller. La qualité du matériel, la qualité des hommes qui y enseignent, le curricula, les maquettes, les productions. C'est tout cela qu'on classe. D'où vient-il que nous soyons derniers de classe? Et c'est celui-là qui nous fait reculer qu'on va primer lors des rencontres. Est-ce que nous voulons tant la médiocrité ? C'est de tout cela que nous parlons. En fait, nous ne sommes contre personne.

Ernest F.