jeudi 4 fevrier 2021 par Le Jour Plus

Dans une lettre adressée au Conseil café cacao, le Groupement des négociants ivoiriens dénonce le fait que les acteurs nationaux sont de plus en plus exclus du secteur.

La position monopolistique du groupe des six multinationales (Cargill, Barry Callebault, Olam, Touton, Sucden) devient de plus en plus intenable pour les transformateurs et exportateurs nationaux de cacao qui se voient étouffer. Dans la filière cacao, les six (6) majors représentent 100% des achats de l'or brun ivoirien, soit directement via leurs filiales en Côte d'Ivoire (70 à 80 pour-cent), soit en rachat à l'export (20 à 30 pour cent) auprès des acteurs nationaux, de
sorte à créer une vraie dépendance du pays vis-à-vis d'eux. Dans une lettre adressée, le 22 janvier dernier, au Conseil Café Cacao (CCC), l'instance de régulation de la filière, et transmise aux autorités, le Groupement des négociants
ivoiriens (Gni) constitué des acteurs nationaux a dénoncé la mainmise des six sur le secteur.

Par une démonstration et des faits, le Gni a fait le diagnostic de la situation pas très reluisante pour les acteurs nationaux qui sont de plus en plus exclus. Malgré les efforts des autorités ivoiriennes à soutenir les nationaux et à faire accroitre la transformation locale des fèves pour en créer de la valeur ajoutée, le taux d'industrialisation du cacao reste faible et n'a
toujours pas dépassé les 30%, loin de l'objectif fixé par le gouvernement en 2011. L'actuelle conjoncture internationale de la pandémie du Covid-19 démontre la vulnérabilité du pays face à ces multinationales qui ont ralenti leurs activités. La conséquence a été immédiate pour le secteur avec un blocage de la commercialisation interne de cacao. Environ entre
150 000 et 200 000 tonnes de fèves restent bloquées dans les régions productrices, par manque d'acheteurs. Pour sortir de cette dépendance, dont les effets impactent l'économie nationale, le Gni a proposé une batterie de mesures dont notamment, la possibilité pour les transformateurs locaux et les filiales du Conseil Café Cacao de pouvoir évacuer leurs produits semi-finis ou dérivés sans restriction malgré l'instauration de barrières artificielles par le groupe des six installés en Côte d'Ivoire, qui empêchent les nationaux à avoir accès aux chocolatiers, se retrouvant à vendre uniquement à
leur six concurrents, au bon vouloir de ces derniers. Pis, les nationaux obtiennent difficilement des contrats de la part des 6 multinationales installées en Côte d'Ivoire et qui sont à la fois leurs concurrents et leurs clients, vu qu'ils sont exclus du marché des chocolatiers.

Le système de commercialisation actuel devrait être reformé pour obliger le groupe des six à octroyer systématiquement 20% à 30% des contrats aux nationaux pour ne pas que ces derniers disparaissent de la filière. L'une des clés pour booster la transformation devrait porter sur une obligation pour le groupe des six d'acheter obligatoirement, à l'export, les
produits semi-finis des transformateurs nationaux et réserver la priorité des exportations de fèves aux opérateurs nationaux, dans la limite de leurs capacités d'achat et d'exportation. Le Gni souhaite également une inclusion globale des nationaux dans les contrats sur le cacao certifié alloués à l'industrie mondiale du chocolat et son interprofession. Le Conseil Café Cacao pourrait calquer le modèle ghanéen qui a fait ses preuves, en contractant directement avec les
industriels du chocolat comme Mars, Mondelez, Nestlé, Ferrero, Meiji Co, Hershey, Lindt, Pladis, Ezaki Glico, Orion Corp,
Blommer, Toms International, Valrhona L'un des objectifs de la réforme de 2012 était de permettre la création d'un tissu solide d'opérateurs nationaux dans la filière. A la pratique, les entreprises nationales sont exclues par les chocolatiers et font face à leurs concurrents en Côte d'Ivoire que sont les 6 multinationales. Les propositions du Gni ont eu un écho favorable dans l'opinion publique et politique, mais aussi auprès des spécialistes du cacao qui reconnaissent que pour que les Ivoiriens ou même des investisseurs étrangers investissent dans la transformation, il faut qu'ils puissent vendre leurs produits. Il existe deux acheteurs potentiels, soit les chocolatiers qui achètent aujourd'hui seulement avec leurs 6
représentants exclusifs en Côte d'Ivoire, soit ces 6 représentants internationaux qui ne s'obligent pas à acheter chaque année les produits de leurs concurrents Ivoiriens. Il s'agit donc d'une situation agissant comme un verrou aux investissements en transformation. Le gouvernement ivoirien analysera la situation début février lors d'un comité interministériel des matières premières.

S. B.