par Le Temps
Il se produit un frémissement des plus inhabituels depuis quelques années, dans les relations entre la Côte d'Ivoire et son ancienne puissance coloniale, la France. Ces deux pays ont une longue tradition de coopération. Mais l'avènement de Jacques Chirac à l'Elysée, n'a pas été un salut pour le régime de Laurent Gbagbo. Il ne pouvait en être autrement, si Jacques Chirac s'est particulièrement impliqué, en donnant directement des ordres à la Force française Licorne, pour agir violemment en novembre 2004, dans le conflit qui a fragilisé la Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002. Et alors qu'on espérait que Nicolas Sarkozy qui lui a succédé à la tête de l'Etat français, avait assez de ressources pour continuer sa diplomatie basée sur la courtoisie et le respect des homologues, celui-ci n'a pas pu brider ses instincts au point de vouloir " faire du nettoyage à Abidjan ". En d'autres termes, faire " enlever " Gbagbo du pouvoir parce que celui-ci n'a pas organisé les élections selon les palpitations du c?ur de l'Elysée. Dès lors, le mercure entre Abidjan et Paris est monté et reste, en tout cas, en hauteur. C'est dans cette grisaille que nous apprenons le coup de fil de Sarkozy à Gbagbo, avant la 6e réunion du Cadre permanent de concertation (Cpc), pour féliciter son homologue ivoirien des avancées dans le processus de sortie de crise. Dans la même foulée, la Côte d'Ivoire obtient un effacement 205 milliards de Fcfa de sa dette auprès de la France. Ce geste que certains pays et partenaires voulaient voir comme une récompense après les élections, la France l'a fait maintenant. De même, à la réception du nouveau Commandant de la Licorne chez Gbagbo, l'ancien ambassadeur André Janier, qui avait déjà fait ses valises, a déclaré ceci : "Contrairement à ce qui se dit, il y a beaucoup qui a été fait dans le processus." En plus, la France offre des bourses d'études à des journalistes ivoiriens, Prix Ebony. Geste qu'on peut considérer comme une première presque depuis le début de la crise. Et ce réchauffement des relations entre les deux pays, s'étend jusqu'à la souplesse de la télévision française, France 24, vis-à-vis des autorités ivoiriennes. Ces derniers temps, Laurent Gbagbo, sous de meilleures vues, est présent à l'écran de cette Chaîne qui fait également des reportages équilibrés et apaisés sur la Côte d'Ivoire. En temps normal, on pourrait se contenter de se réjouir d'un tel enthousiasme de Paris à l'égard d'Abidjan. Par ces bonnes relations entre deux pays, naissent le renforcement de leurs intérêts et la stabilité du plus inoffensif. Mais personne ne sait l'étendue des intérêts français. Et les dirigeants de l'ancienne puissance coloniale ont un appétit si gargantuesque, que pour s'accaparer tous les contrats vitaux de l'Etat ivoirien, peuvent nous miroiter avec ces miettes (faveurs) dans l'intention de nous endormir afin de porter l'estocade au régime. C'est pourquoi, il convient de se demander ce que cache cet empressement de générosité de la part de Paris.
Germain Séhoué
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