jeudi 16 juin 2011 par Le Mandat

Si la vie reprend progressivement son cours normal dans le District, certaines populations d'Abobo et de Yopougon ne sont pas au bout de leurs peines. En plus des préjudices subis pendant la crise, elles doivent faire face aux arriérés de loyers. Une situation qui les met en conflit avec leurs propriétaires.

Elle ne fait pas grand bruit dans cette période de sortie de crise. Contrairement aux montants pour le moins faramineux des factures d'électricité et d'eau, qui ont fait monter, récemment la grogne des clients. Mais, les arriérés de loyers restent un réel problème de proximité dans les communes, touchées très tôt par la crise postélectorale et dont les populations, en quête de sécurité, ont quitté leurs domiciles. Revenus après la fin des hostilités, ces locataires accusent, pour beaucoup, plus de trois mois de loyers impayés. Soit parce qu'ils sont partis depuis janvier, pour revenir en avril, après la chute de Laurent Gagbo (le 11 avril). Soit, parce qu'ils avaient des impayés antérieurs à la crise. Et, quel que soit le cas de figure, ces états qui en rajoutent à leurs difficultés, créent une atmosphère conflictuelle entre les usagers des maisons et les propriétaires. C'est que sur la question, les avis sont diamétralement opposés. Les propriétaires, en général, exigent le paiement des mois impayés. En face, les locataires brandissent le problème financier engendré par la crise et souhaitent une exonération entière ou partielle des mois dus. Samedi, à Abobo devant la Pharmacie Maténé (route BC), un homme, la quarantaine, était ainsi en communication téléphonique très musclée sur le sujet. A cause de la guerre, pendant près de trois mois, je n'ai pas travaillé. Où vais-je donc trouver l'argent pour payer tous ces arriérés. Comprenez un peu monsieur que la situation est difficile pour tout le monde. Et puis, pendant tout ce temps personne n'était dans la maison , essayait-il de faire entendre raison à son interlocuteur, apparemment intransigeant. Comme lui, plusieurs riverains de la commune sont confrontés à plusieurs frais de loyers impayés. Et essaient tant bien que mal d'obtenir la clémence de leurs logeurs. Mais cela ne va pas sans difficulté, alors que ces locataires ne semblent point prêts à lâcher prise. Selon Monsieur S.B, habitant d'Avocatier, des locataires d'un immeuble sis au quartier Colatier, derrière l'école Victor Lobad, ont formé une coalition pour rencontrer le propriétaire et lui signifier leur refus catégorique de solder les mois consommés pendant la crise. Car, estiment-ils avoir quitté les lieux aux premières heures de la crise postélectorale. Le conclave, selon notre informateur, aura été houleux. Vu que le propriétaire des lieux était hostile à toute concession. Plusieurs rencontres du genre auraient eu lieu entre les deux parties avant d'aboutir à une solution médiane.

Finalement, aux dires de S.B, le tenant de l'immeuble a accepté de faire grâce à ceux qui n'avaient pas d'arriérés avant la crise. Ceux-ci ont, du coup, vu leurs dettes épongées. Les autres, habitués à ne pas payer leur loyer, devront s'acquitter des impayés de la période post-crise. Tout simplement parce que le propriétaire a estimé que pour ces derniers, la crise est un faux alibi. Dans une autre concession de plus de huit portes, située dans le quartier de BC, les locataires, dans une démarche diplomatique, ont obtenu un mois de réduction de leurs loyers. Ceux qui avaient un ou deux mois d'impayés sont plus ou moins déchargés. Pour d'autres, c'est comme une seule goutte d'eau dans la mer. Parce qu'il y en a qui accusent plus de trois mois d'arriérés. Nous aurions voulu qu'il laisse tomber deux mois, mais il a accepté la faveur d'un mois. Nous allons nous en contenter. C'est mieux que rien , a confié l'un des clients concernés. Ajoutant que le propriétaire, M. K Ismaël leur a fait comprendre aussi ses propres difficultés. A Yopougon, cette situation est plus courante à Andokoï, le quartier jouxtant la prison civile. Pour la simple raison qu'il a été le premier théâtre des hostilités entre les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) et les ex-Forces de Défense et de sécurité (FDS). Mademoiselle Liliane D, qui y habite, a dû s'employer pour obtenir de son propriétaire l'annulation d'un mois de loyer sur les deux mois d'arriérés.

Tenancière de maquis, elle dit avoir fui le quartier, mi-mars, pour ne revenir qu'en mai.

D'autres riverains, moins chanceux, devront solder tous leurs dus. Car, ils sont confrontés à l'intransigeance de leurs logeurs.

Difficultés partagées

Dans cette guerre post-crise, entre propriétaires de maisons et leurs usagers, il est difficile de trancher en faveur d'un camp. C'est un peu comme l'allégorie de la poule et de l'?uf. Autant, il est difficile de dire qui de l'?uf et de la poule est plus âgé que l'autre, il paraît périlleux de dire qui du propriétaire et du locataire doit faire grâce. En ce sens que, chacun d'eux a été victime de la crise. Les clients ont perdu, pour certains, leurs emplois. D'autres ont fait les frais des pillages, à tel point qu'ils sont obligés de tout reprendre à zéro. Sans fonds, ils n'osent cependant pas aménager ailleurs étant donné qu'il faut au minimum trois mois de caution et deux mois d'avance. Sans oublier un mois supplémentaire pour l'agent immobilier (dans certains cas). Les propriétaires qui, pour la plupart, vivent uniquement des revenus de leurs biens immobiliers, sont tout aussi sinistrés et donc ont un besoin crucial de liquidité. En plus d'être privés de recettes pendant la crise, ils ont, pour plusieurs d'entre eux, vu leurs maisons endommagées : des portes, des fenêtres cassées ; des tôles enlevées ; des disjoncteurs de courant volés, des sanitaires détruits. De grosses réparations s'imposent dans certains domiciles, qui ressortent de la compétence du possédant. Qui a besoin d'entrées d'argent pour faire face à ces impératifs. Autant dire que les difficultés sont partagées entre prestataires et clients. Et, seul le dialogue peut permettre de résoudre cette situation pour le moins désobligeante.

MARTIAL GALE

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